Voeu – Contre l’installation de Shein et soutien à l’économie circulaire au sein de la filière textile

Plénière du 13 novembre 2025

Un vœu déposé par Géraldine Krin en soutien à l’économie circulaire au sein de la filière textile a été fusionné avec celui de la majorité régionale contre l’installation de Shein.

Nos commerces de proximité sont aujourd’hui en grande difficulté : en France, la vacance commerciale atteint 10 % en centre-ville et jusqu’à 15 % dans certains quartiers. 60 000 emplois ont été détruits en dix ans dans le secteur de la mode et de la maison. Dans ce contexte dramatique, l’arrivée de Shein dans nos centres-villes n’est pas une opportunité : c’est une provocation.

Elle intervient dans un contexte de grande tension sur la filière TLC (textiles d’habillement, linges de maison, chaussures) confrontée à des défis majeurs. Elle représente plus de 10% des émissions de GES au niveau mondial. À cela s’ajoute son impact sur l’eau, la production textile représente environ 20 % de la pollution mondiale d’eau potable. Ces chiffres sont d’autant plus alarmants que la consommation de textile est en nette et constante augmentation.

Or, Shein est la caricature de la concurrence déloyale : des colis qui échappent aux taxes, des produits dangereux et non conformes, des ouvriers exploités dans des conditions indignes, un coût environnemental insensé. C’est un modèle qui fragilise nos commerces de proximité alors que nous devons, plus que jamais, les protéger.

La preuve récente de leur vente de poupées sexuelles et d’armes de catégorie A doit pousser tous les acteurs, publics comme privés, à s’interroger sur le bienfondé de la présence d’une telle entreprise dans notre pays. L’implantation physique de Shein en France et les départs de grandes marques et des Galeries Lafayette qui en découlent mettent en péril l’économie de nombreux territoires. 

La Région Grand Est a toujours choisi le camp de ses artisans et commerçants, qu’ils soient en cœur de ville ou en milieu rural. Nous avons créé des dispositifs de soutien à l’investissement, à la reprise et à la transformation, et nous continuerons à le faire. 

Mais ces efforts n’ont de sens que si nous faisons barrage à des modèles destructeurs comme celui de Shein. Nous ne pourrons y répondre efficacement que par le retour en France des chaines de valeurs et par la réindustrialisation.

En 2023, 810 000 tonnes de textile ont été mises sur le marché français. Ce volume représente autant de futurs déchets, qui finissent encore trop souvent en décharge ou en incinération. En 2023, seuls 36 % ont été collectés, 14 % orientés vers un réemploi et 7 % vers le recyclage.

Les organismes de collecte ne parviennent pas à gérer, à eux seuls, la hausse considérable du coût des déchets textiles. Partout en France, ils sont au bord du dépôt de bilan. En juillet dernier, Le Relais, principal organisme de collecte, s’est mobilisé pour dénoncer une situation intenable : face à la surproduction, c’est bien toute la filière REP (Responsabilité Élargie du Producteur) textile qui est en danger. 

En arrêtant sa collecte, Le Relais souhaitait alerter sur sa situation financière et faire pression pour obtenir une revalorisation de la rétribution versée aux opérateurs de tri de la filière par l’éco-organisme Refashion, qui est chargé de percevoir, gérer et redistribuer  l’éco-contribution des consommateurs sur leurs achats textiles. Si l’Etat s’est engagé depuis à une revalorisation de la rétribution, il ne s’agit bien que d’une réponse de court terme à une urgence. La filière REP textile reste, structurellement, largement en tension, notamment du fait d’un large problème de gouvernance des éco-organismes. 

En effet, le rapport d’information sur l’application de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Agec), adopté le 25 juin 2025 par la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, met en évidence “une gouvernance entre les mains exclusives des metteurs en marché, au détriment des collectivités territoriales et des opérateurs de déchets”. Les rapporteurs y dénoncent  de véritables conflits d’intérêts : les éco-organismes sont gouvernés par les metteurs en marché qui les financent, ce qui biaise les décisions au détriment des collectivités et des opérateurs (barèmes, clauses, durées de contrats). Ils préconisent de mieux associer les parties prenantes (collectivités, entreprises de l’économie sociale et solidaires, associations…) au pilotage des filières REP par une réforme de la gouvernance. Or, en ce qui concerne la filière textile, une révision du cahier de charges de l’agrément pour la REP TLC de Refashion est actuellement en cours. 

Voeu :

Les élus du Conseil régional du Grand Est, réunis en Séance plénière du 13 novembre 2025 : 

  1. Réaffirment l’ambition de la Région en matière d’économie circulaire, en tant que responsable de la planification de la gestion des déchets (article 8 de la loi NOTRe de 2015)
  2. Demandent au Ministère de la Transition écologique de réviser le cahier des charges de l’agrément pour la REP TLC en faveur d’une réforme de la gouvernance de l’éco-organisme pour y associer équitablement l’ensemble des parties prenantes (collectivités, acteurs de l’économie sociale et solidaires, associations…)
  3. S’opposent à l’installation de Shein dans nos centres-villes et dénoncent avec force ce modèle qui détruit l’emploi, abîme l’environnement et bafoue la dignité des travailleurs ;
  4. Affirment leur soutien aux commerçants et artisans du Grand Est, qui sont le cœur battant de nos villes et villages ;
  5. Confirment que Shein est contraire à l’ensemble des valeurs sociales de la France et doit se conformer à nos règles.

Par ailleurs, les élus du Conseil régional du Grand Est exhortent le Gouvernement et la Commission européenne à :

  • Supprimer les exemptions de TVA et de droits pour les petits colis extra-UE et à accélérer la réforme douanière européenne afin de rétablir des conditions économiques équitables ;
  • Renforcer les contrôles aux frontières et sanctionner les importations illégales ou non conformes ;
  • Accélérer l’adoption de la loi « anti-fast fashion » pour encadrer la publicité, imposer des malus environnementaux et lutter contre les pratiques déloyales ;
  • Lancer des campagnes de sensibilisation sur les impacts sociaux et environnementaux de la fast fashion, afin d’éclairer les consommateurs.
  • Poursuivre la procédure de suspension de leur plateforme numérique jusqu’à la preuve formelle du respect de nos lois et valeurs.

La Région Grand Est choisit résolument son camp : celui de nos commerçants, de nos artisans et de l’attractivité de nos villes et villages.

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